Le Forum Régional sur le paludisme s’ouvre ce jour à Yaoundé

AFRIQUE

Organisée par Impact Santé Afrique les 05 et 07 mars 2024, cette rencontre qui se tient en marge de la Conférence ministériel de l’OMS, s’inscrit dans un contexte d’urgence sanitaire et d’engagement politique renouvelé pour l’élimination du paludisme.

Le paludisme reste un problème de santé publique majeur dans le monde. Chaque année, cette maladie endémique dans certains pays comme le Cameroun, touche plus de 200 millions de personnes et cause plus de 400 000 décès. Avec 94% des cas et 95% des décès, l’Afrique est la région la plus touchée. Douze (12) pays, dont 11 en Afrique (Burkina Faso, Cameroun, République démocratique du Congo, Ghana, Mali, Mozambique, Niger, Nigeria, Soudan, Ouganda et République-Unie de Tanzanie) plus l’Inde, sont collectivement responsables de plus de 70 % de l’incidence mondiale du paludisme et de 73 % de la mortalité mondiale due à cette maladie. Cela se traduit par 166 millions de cas et 423 000 décès dans ces pays rien qu’en 2022. Les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes sont particulièrement vulnérables.

C’est donc dans un contexte d’urgence sanitaire et d’engagement politique renouvelé pour l’élimination du paludisme que va se tenir le Forum régional des parlementaires, des leaders d’opinion et de la société civile sur le Paludisme organisé par Impact Santé Afrique les 05 et 07 mars 2024 à Yaoundé. Puisque cette rencontre se déroule en marge de la Conférence ministérielle de l’OMS sur le paludisme au cours duquel, les pays participants adopteront une Déclaration de Yaoundé réaffirmant leur engagement à atteindre cet objectif d’ici 2030. Pour Olivia Ngou, l’un des messages clés à faire passer auprès de ces décideurs est qu’ils comprennent et en prennent en compte que : « Nous ne pourrons pas gagner la bataille sans un engagement significatif des communautés, en allant au-delà de la simple fourniture de services et en veillant à ce que les communautés soient activement impliquées dans la planification, la mise en œuvre et le suivi des solutions qui répondent à leurs besoins spécifiques ».

Engager les communautés

Par ailleurs, les pays participants à la Conférence ministériel de l’OMS qui se tient demain mercredi 06 mars 2024, devront intégrer dans leur discussion que les programmes de lutte contre le paludisme fondés sur l’égalité des sexes sont essentiels pour accélérer la lutte et sauver des vies. Egalement, la lutte contre le paludisme étant confrontée à plusieurs défis tels que les menaces biologiques, le changement climatique, les conflits multiples dans certains pays… Il est essentiel de trouver des outils nouveaux et efficaces qui soient accessibles à tous. Alors que le financement de la lutte contre le paludisme diminue, il est essentiel que les pays endémiques augmentent de manière significative leurs budgets nationaux de santé et de lutte contre le paludisme afin d’accélérer les progrès. Pour avoir augmenté son budget santé à12,2 %, le Malawi constitue un exemple fort. Au regard des enjeux que charrient, la Conférence ministérielle de l’OMS qui se tient pour la première fois depuis la Déclaration d’Abuja en 2001 et rassemble autour d’une même table le ministres de la Santé et des Finances, le forum des parlementaires semble essentiel pour préparer et accélérer le suivi de la déclaration ministérielle de Yaoundé, mais aussi pour assurer la mobilisation des fonds nationaux et l’engagement communautaire en faveur de l’élimination du paludisme après la conférence des ministres de la santé.

Raison pour laquelle, pendant deux jours, le Forum régional sur le paludisme entend jouer un rôle central dans l’information et la sensibilisation des parlementaires, leaders d’opinion et la société civile dans les pays HBHI (les plus touchés par le paludisme Charge élevée Impact élevé) sur les stratégies de contrôle du paludisme, les principaux défis et les solutions existantes et disponibles.  Mais aussi, renforcer les capacités des participants sur les lacunes financières pour l’élimination du paludisme, les questions en jeu et leurs rôles clés dans la mobilisation des fonds nationaux ; Renforcer la collaboration entre les principaux dirigeants et les responsables des programmes nationaux de lutte contre le paludisme… Une cinquantaine de participants sont attendus à cet événement hybride.

Nadège Christelle BOWA

Le Congo défini la nouvelle vision de son système éducatif

Etats Généraux de l’éducation

Par Foussénou Sissoko

 « Engageons-nous fermement pour la transformation de l’éducation nationale, la formation et la recherche en vue du progrès, d’un avenir meilleur de la jeunesse et du développement durable du Congo », le thème sur lequel se sont tenues  les assises nationales de l’éducation, de la formation et de la recherche  du  Congo,  du 25 au 29  janvier   2024.

S’adressant à la communauté éducative réunie à  l’occasion, le Premier ministre, Anatole Collinet Makosso, a insisté sur le fait que les conclusions de ces assises doivent être à la hauteur des attentes ; avant  d’ajouter : « Vous donnerez vos avis, formulerez des recommandations et des propositions innovantes, pertinentes, opérationnelles tout à la fois financières, humaines, organisationnelles et infrastructurelles pour l’édification d’un système éducatif crédible, équitable et efficace »,

Selon le haut-commissaire à l’organisation des états généraux de l’éducation nationale, de la formation et de l’alphabétisation, Hellot Matson Mampouya, l’analyse des rapports des consultations départementales et de la diaspora a permis de dégager quinze thématiques considérées comme autant de défis à relever pour atteindre les objectifs visés par ces états généraux. « Il faut des corrections urgentes en vue de la construction d’un système éducatif, de format ion et de recherche de qualité et performante », a-t-il déclaré

Aux  termes  de  cinq   jours de débats  et  d’échanges  contradictoires, les  participants   ont  formulé   des  recommandations,  qui, pour reprendre  le  Premier  Ministre, « donneront naissance à un système éducatif adapté aux réalités du pays en vue de propulser son développement »

 Parmi  les  recommandations : la  création des corps de métiers dans les filières littéraires en lien avec les besoins nationaux ; l’accroissement   de   la capacité d’accueil dans les filières scientifiques, technologiques et professionnelles ; l’intégration  de l’entrepreneuriat dans les curricula pour former les jeunes créateurs d’emploi et non demandeurs .Il  est  aussi  recommandé , l’enseignement de l’éducation civique et morale à tous les cycles pour en faire une matière d’évaluation aux examens d’Etat

Ce  qui  est  à retenir   d’essentiel,  c’est  qu’ aux termes  de  ses Etats  généraux, le Congo a  défini  la nouvelle  vision de  son  système  éducatif , de formation et de recherche ainsi que les principales orientations politiques et stratégiques,  de  même  que  les  actions prioritaires  à entreprendre.

 Des  actions  prioritaires  à   entreprendre :  la  mise  en  place des  instances de coordination et de suivi-évaluation   ; la réécriture de la loi portant organisation du système éducatif;  l’élaboration  d’un  avant-projet de loi sur la recherche scientifique et technologique

L’Unesco   s’engage par  la  voix de   sa représentante au  Congo,  Mme Fatoumata Marega à   accompagner  la mise en œuvre des résolutions  adoptées à l’issue des assises nationales de l’éducation, de la formation et de la recherche »

Nourrissons et enfants exposés à des intoxications au plomb

Saturnisme

Très présent dans notre environnement quotidien, l’ingestion ou l’inhalation de plomb peut provoquer chez les jeunes enfants des cas de saturnisme, maladie grave qui entraîne des retards psychomoteurs. Ce métal toxique est utilisé dans la fabrication de certains jouets pour enfants. Un désastre !

« Nos enfants meurent à petit feu à cause de nous. On peut penser faire du bien à son enfant en lui offrant le meilleur jouet. Mais ce qu’il faut savoir c’est que nous donnons à cet enfant du poison sans le vouloir », Stéphanie Penandjo, directrice exécutive par intérim de l’organisation Jeunes volontaires pour le Développement (JVE) attire l’attention des parents et futurs parents à l’occasion d’un atelier de sensibilisation des parties prenantes sur les produits chimiques nocifs contenus dans les jouets pour enfants organisé le 31 janvier 2024 à Yaoundé, avec soutien technique du Centre régional IPEN pour l’Afrique francophone et l’appui financier de l’Organisation Mondiale la Santé. Selon l’OMS, le plomb est responsable de 600 000 nouveaux cas d’insuffisance intellectuelle chez les enfants chaque année. Bien qu’il soit interdit depuis les années 1990 dans de nombreux pays, le plomb est encore présent dans certains pigments et matériaux, utilisés dans des jouets.

Même à faible dose, l’ingestion ou l’inhalation du plomb peut avoir divers effets toxiques aigus (anémie, troubles digestifs) et chroniques (atteintes du système nerveux). Les enfants, et plus particulièrement ceux âgés de moins de 6 ans, ainsi que les femmes enceintes constituent la population la plus exposée au risque d’intoxication par le plomb. Les jouets pour enfants sont des sources d’intoxication potentielle notamment lorsqu’ils sont recouverts de peinture. « Les enfants seront contaminés pendant l’utilisation. Il est extrêmement difficile de contrôler les enfants lorsqu’ils s’amusent avec les jouets », explique Achille Ngakeng, Coordonnateur Régional du Hub IPEN Afrique Francophone. Cette intoxication, appelée saturnisme, entraîne des troubles à l’acquisition de certaines fonctions cérébrales supérieures et peut être la cause de retards intellectuels, de difficultés d’apprentissage, de troubles psychomoteurs, de troubles de l’attention, d’irritabilités, de troubles du sommeil et même d’un ralentissement de la croissance.

Renforcer la réglementation

En juillet 2020, l’UNICEF a publié un rapport précisant comment l’exposition des enfants au plomb compromet leur avenir. Ce Rapport intitulé « La vérité toxique: L’exposition des enfants à la pollution par le plomb compromet une génération future » révèle qu’1 sur 3 enfants – jusqu’à environ 800 millions dans le monde – ont du plomb dans le sang à des niveaux égaux ou supérieurs à 5 microgrammes par décilitre (μg/dL). Ces enfants grandissent en inhalant de la poussière et des fumées provenant du recyclage informel des batteries usagées au plomb, des opérations des fonderies à ciel ouvert, des aliments qui se trouvent contaminés par le vernis au plomb des poteries ou les soudures des cannes de conserve… Par ailleurs, les parents dont les professions impliquent le travail avec du plomb ramènent souvent de la poussière à la maison sur leurs vêtements, cheveux, mains ou chaussures, exposant ainsi par inadvertance leurs enfants aux substances toxiques. Les enfants de moins de 5 ans ont le plus grand risque de subir des dommages neurologiques, cognitifs et physiques à vie et même la mort par empoisonnement au plomb.

L’atelier de Yaoundé visait donc à : Attirer l’attention de l’opinion publique et sensibiliser les parents sur risques liés à la présence de plomb dans certains jouets et autres produits pour enfants ; Promouvoir l’achat de jouets garantis sans plomb Inciter les autorités à renforcer les réglementations sur le plomb dans les produits destinés aux enfants. « En tant que société civile, ce que nous pouvons faire aujourd’hui c’est la sensibilisation à travers les réseaux sociaux et les médias. Toutefois, les organisations de la société civile pourraient se mettre ensemble pour un plaidoyer en direction des pouvoirs publics afin qu’un accent particulier soit mis sur cette problématique liée à l’exposition du plomb », a déclaré Stéphanie Penandjo. En octobre 2023, à l’occasion de la Semaine Internationale de Prévention du Saturnisme, cette organisation s’est engagée dans des actions de sensibilisation grand public sur les risques liés à la présence de plomb dans les jouets et objets pour enfants. 

Nadège Christelle BOWA

L’Open Timber Portal séduit les communes et entreprises forestières

Légalité dans le secteur forêt-bois

Cette plateforme web indépendante interactive conçu par le World ressources Institute (WRI), leur donne une visibilité inespérée dans la quête d’une clientèle de plus en plus sélective sur le marché international du bois légal.

En 2010, le gouvernement du Cameroun signe un accord de partenariat volontaire (APV) avec l’Union Européenne (UE). Le but est d’améliorer la gouvernance forestière, promouvoir la transparence dans le secteur forestier et améliorer la compétitivité du bois en provenance du Cameroun sur le marché international. Dans cet accord, la transparence dans la chaîne d’approvisionnement du bois est considérée comme un aspect important. L’annexe 7 de l’accord détaille les informations à rendre publique. Cette responsabilité incombe à l’administration et à l’UE. Bien qu’il n’y soit pas mentionné, le secteur privé en sa qualité d’acteur important a un rôle primordial dans la publication des informations obligatoires. En effet, renseigne Dr Fridolin Choula, chargé des affaires à Connect Green Industry Solutions Sarl (CGIS), à la demande de ses clients, celui-ci est amené à publier des informations relatives à ses activités.

Pour faciliter l’accès à ces informations et appuyer le secteur privé dans la promotion de la transparence de ses activités, le World Ressources Institute (WRI) a conçu en collaboration avec des organismes gouvernementaux, des représentants de ce secteur, des organisations de la société civile, l’Open Timber Portal (OTP). Cette plateforme web indépendante interactive promeut le respect de la légalité dans la production et le commerce du bois en compilant des informations provenant de l’administration, du secteur privé et des observateurs indépendants sur la conformité du secteur forestier dans les pays producteurs. Actuellement, l’OTP héberge des informations sur les sociétés forestières des différents pays du Bassin du Congo. De façon volontaire, les communes et entreprises forestières y chargent leurs documents de légalité dans l’activité forestière selon les dispositions de l’annexe 7 de l’APV FLEGT. Ce qui permet aux potentiels acheteurs de bois et autres acteurs intéressés qui visitent le portail d’attester de la légalité et de la transparence des entreprises. Ainsi, celles-ci peuvent diriger leurs clients qui mènent leur diligence raisonnée dans le cadre de RBUE ; Lacey Act et autres mécanismes contraignants d’accès au marché de bois tropicaux vers le portail avec à la clé au moins deux avantages majeurs.

Testé et approuvé

Le premier repose sur la disponibilité et l’accès facile à une liste précise des documents de légalité issus des grilles de légalités APV FLEGT. Le second avantage consiste en la possibilité pour les clients de télécharger les documents directement sur la plateforme avec la garantie du contrôle qualité rigoureux de WRI en amont pour crédibiliser le fournisseur. Encore nouveau, le secteur privé camerounais gestionnaire des ventes de coupes et forêts communales a besoin d’un accompagnement pour l’appropriation effective de la plateforme ; la mise à jour de leur profil et la mise en ligne de leurs documents de légalité ; recueillir leurs commentaires éventuels sur l’outil afin de l’adapter continuellement aux besoins de la filière bois et l’arrimer aux exigences du marché ; s’assurer que la liste de documents sur l’OTP reste compatible avec la grille de légalité APV FLEGT pour les ventes de coupes et le forêts communales après les révisions en cours, etc. Ce sont quelques objectifs visés par l’atelier de sensibilisation et d’échange sur l’utilisation de la plateforme Open Timber Portal (OTP) par les communes et les entreprises forestières organisé du 22 au 24 janvier à Bertoua.

La rencontre présidée par la délégation régionale du ministère des Forêts et de la Faune (Minfof) de l’Est représenté par Enguen Stephen, rassemble une trentaine de participants venus de divers horizons du pays dont les responsables sont favorables à l’initiative. Le but est de leur donner des outils qui leur permettent d’améliorer leur score sur l’OTP et passer le cap de 50% contre moins de 20% pour certains voire zéro pour d’autres. Présent, Alexis Ngonché, des entreprises Dino et Fils, partenaire communal de Batouri utilise des superlatifs pour exprimer sa satisfaction de l’emploi de la plateforme dont les résultats séduisent. Au 31 décembre 2023, l’on note une transparence accrue dans le secteur forestier, indique Dr Fridolin Choula dans sa présentation des principales réalisations en matière de gouvernance forestière obtenues grâce aux travaux sur l’OTP. Soit de 302 documents d’entreprises à 651 dont 459 valides et 192 expirés. Par ailleurs, le nombre d’utilisateurs de la plateforme ne cesse de croître. Les Etats-Unis occupent la première place suivie du Gabon qui s’est lancé dans la certification (2e). Troisième dans le classement avec un nombre d’utilisateurs estimé à près de 3000, le Cameroun peut faire mieux. En Europe, ce nombre frôle le cap de 12000 contre plus de 5000 en Asie. C’est dire si même ce marché jadis propice aux exploitants clandestins veut s’arrimer à la légalité. 

Nadège Christelle BOWA

Réactions

Dr Fridolin Choula

Il y a au niveau de WRI, un contrôle rigoureux des documents publiés

Que gagne une commune à être présente que la plateforme OTP ?

Dans le monde entier, la forêt pose un dilemme. Faut-il l’exploiter ou pas ? Est-ce que la forêt est conservée ; est-elle gérée durablement ? Or les communes sont assez faibles pour mener un lobbying sur le plan international et dire ce qui est fait, ce qui peut être fait. Que ce soit pour la procédure carbone, le nouveau règlement de l’Union Européenne ou toutes autres initiatives concernant la forêt, la base est la légalité. Les grandes entreprises peuvent facilement se présenter à qui et quand elles veulent. Ce n’est pas le cas des petites entreprises et forêts communales qui ont besoin des initiatives comme celles-ci pour montrer sur la base de leurs documents de légalité -c’est vraiment le critère numéro 1- qu’elles sont légales et transparentes. Ce n’est qu’à ce prix qu’elles pourront attirer des partenaires qui viendront contribuer à la gestion durable et à la conservation de leur forêt.

Dans son propos, le représentant du Délégué régional du Minfof a mentionné le Sigif. Quelle différence ou complémentarité avec l’OTP ?

Le Sigif est le Système informatique de gestion de l’information forestière mis sur pied pour contrôler le flux du bois sur le plan national. Toutes les autorisations sont délivrées par le Sigif. Seulement, vous êtes au Sigif parce que vous êtes opérateur. Vous y avez accès à vos documents. Mais, vous ne pouvez pas par le Sigif communiquer avec un partenaire à travers le monde. Il y a des gens qui sont globalement intéressé par les communes et qui aimeraient savoir quelles sont celles qui travaillent de façon sérieuse. Ces partenaires ne peuvent pas entrer dans le Sigif parce qu’ils ne sont pas enregistrés. Open Timber Portal est une initiative qui permet de mettre sur le web, les documents de légalité, de montrer le sérieux des entreprises et des communes de sorte que même par hasard, le partenaire peut tomber sur vous, et voir que vous faites des efforts pour rester dans la légalité. Open Timber portal, c’est la forêt. On ne distingue pas les essences. Ça va de l’exploitation à l’exportation. Tout ce qui est document de légalité est présenté sur Open Timber portal avec cet avantage qu’il y a d’abord au niveau de WRI, un contrôle rigoureux des documents. En plus, la société civile commente ce processus, ce qui le rend davantage crédible.

Alexis Ngnoche

On conquiert des marchés impossibles par le passé

Je ne découvre pas l’Otp à cet atelier. Je l’utilise depuis. C’est une plateforme qui permet d’avoir une visibilité sur notre entreprise. Le monde étant devenu un village planétaire, si tu veux avoir des informations sur ma société, il suffit d’ouvrir Open Timber Portal. On gagne en temps dans les explications aux questions que de potentiels clients nous posent. Ce qui rend les échanges fluides. Notre présence sur cette plateforme nous permet de toucher des marchés qu’hier on ne pouvait pas conquérir. Certaines personnes nous découvrent sur cette plateforme et nous contactent.

Guy Youmbi, Foresterie communale de Bokito

Être plus regardant sur la veille légale réglementaire

La plateforme nous permet de suivre la légalité sur les questions d’exploitation forestière. On est passé du système Règlement Bois Union Européenne (RBUE) au système Règlement zéro déforestation (EUDR). Ce changement de paradigme nous amène en tant qu’exploitant forestier à être plus regardant, strict en ce qui concerne leur veille légale réglementaire (documentation liée à l’exploitation forestière) et la commercialisation du bois sur le marché Européen.

Minko Assoumou, commune d’Ambam

L’OTP augmente la visibilité de la commune

Depuis l’accord de partenariat volontaire FLEGT, il faut beaucoup de documents pour commercialiser le bois dans l’Union Européenne. La plateforme facilite cet échange. Si plusieurs partenaires qui vous demandent les mêmes documents, vous pouvez les orienter sur la plateforme pour les télécharger. L’OTP augmente la visibilité de la commune qui fait dans le bois et accroît le nombre de ses partenaires attirés par la légalité.

Réalisée par

Nadège Christelle BOWA

L’éducation au centre du partenariat Afrique-Italie

Priorités 2024

Par Foussénou  Sissoko

Ce  mois  de  janvier  2024, un évènement significatif est survenu  dans le  partenariat  Afrique-Italie : le Parlement italien a approuvé un amendement au Plan Mattei, du nom du fondateur du groupe énergétique italien ENI Enrico Mattei, le programme de développement international de  l’Italie  visant à stimuler la coopération avec les pays africains, en plaçant l’éducation au centre  de son engagement en Afrique, ceci  à  la  veille  du  prochain  sommet  Afrique-Italie des 28  et 29  janvier 2024, lit-on  dans  le communiqué de presse du Partenariat Mondial pour l’Education.

Les statistiques sont stupéfiantes et révèlent que dans les pays à faible revenu, sept enfants sur dix ont du mal à lire une histoire simple à l’âge de dix ans. Le nombre d’enfants et de jeunes non scolarisés a atteint le chiffre alarmant de 250 millions. Cette situation désastreuse est particulièrement aiguë en Afrique, où les filles sont les plus laissées pour compte.

L’amendement approuvé met en avant l’engagement du gouvernement italien à prendre des mesures proactives pour souligner le rôle crucial de l’éducation dans l’avancement du développement durable. Cet engagement façonnera à la fois le cadre stratégique du plan Mattei et le prochain sommet Italie-Afrique, qui accueillera une session consacrée à l’éducation, facilitée par l’UNESCO, le Partenariat mondial pour l’éducation (GPE), L’Éducation sans délai (ECW) et la présidence italienne du G7.

Laura Frigenti, directrice générale du Partenariat Mondial pour l’Education, salue l’importance accordée à l’éducation par le gouvernement italien, en particulier lors du prochain sommet Italie-Afrique qui aura lieu les 28 et 29 janvier 2024, et l’importance que revêt l’Afrique pendant la présidence italienne du G7. « Cela représente un grand pas vers des sociétés plus équitables, puisque le gouvernement italien s’engage à respecter l’Agenda 2030 de l’ONU qui appelle à assurer une éducation de qualité, inclusive et équitable pour tous. »

       L’Education un  thème  central  tout  au  long  de 2024

L’éducation sera un thème central tout au long de l’année 2024, en commençant par le sommet Italie-Afrique et en se poursuivant avec le sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba en février, qui donnera le coup d’envoi de l’Année africaine de l’éducation. Suivront des réunions ministérielles et le sommet du G7, le tout sous la présidence italienne.

Mme Frigenti a ajouté : « Il est grand temps de changer notre point de vue sur l’éducation, en la considérant non pas comme une dépense, mais comme un investissement stratégique. En permettant à toutes les filles de suivre 12 années d’enseignement, les revenus des femmes seraient susceptibles d’augmenter au cours de leur vie de 15 à 30 000 milliards de dollars au niveau mondial. Une seule année d’éducation supplémentaire pourrait augmenter de 20 % la capacité de gain d’une femme, ce qui permettrait aux familles d’être plus résilientes, d’améliorer leur sécurité économique et alimentaire et de réduire les facteurs de migration. Cela souligne l’importance cruciale de se concentrer sur l’éducation des filles, souvent négligée dans de nombreux pays. »

Le Partenariat mondial pour l’éducation se tient prêt à soutenir la présidence du G7 dans ses efforts de collaboration avec l’Afrique pour réaliser des progrès concrets dans le domaine de l’éducation.

 Mme Frigenti a souligné : « En accordant la priorité à l’éducation en Afrique au cours de sa présidence du G7, l’Italie fait preuve de leadership en aidant la prochaine génération d’Africains à relever des défis tels que le changement climatique, à encourager l’esprit d’entreprise et à garantir des moyens de subsistance. Le réseau complexe de défis auxquels l’Afrique est confrontée aujourd’hui croise l’éducation, le changement climatique et les migrations, exigeant une attention urgente de notre part. Les systèmes éducatifs du continent sont au cœur de ce réseau. »

On  rappelle   que  le « Plan  Mattei  pour  l’Afrique » prévoit un vaste programme d’investissements et de partenariats. L’objectif est  à la fois de sécuriser l’approvisionnement de l’Union Européenne en produits énergétiques et d’accélérer le développement des pays africains pour freiner les flux migratoires vers le vieux continent. À la tribune de l’ONU, en septembre 2023, la 1ère ministre italienne avait présenté son plan comme « une alternative sérieuse au phénomène de migration de masse ».

                             

Les négociations sur le Marché du carbone coincent à Dubaï

COP 28

A Dubaï, les négociateurs semblent n’avoir tiré aucune leçon d’une année de scandales révélant des échecs et des fraudes généralisés sur le marché du carbone. Les cow-boys du carbone prêts à savourer une victoire au détriment des populations et de la planète ?

« Comme tout le reste, rien n’a bougé sur les règles du marché du carbone cette nuit (du lundi au mardi 12 décembre). De courtes réunions de 20 minutes ont été organisées hier soir pour proposer un texte à prendre ou à laisser, mais elles ont été annulées à la dernière minute, nous replongeant dans l’obscurité. Qui sait ce que nous réserve la journée d’aujourd’hui, mais pour les marchés… ce n’est pas bon signe », a-t-on appris aux aurores après une veillée d’arme pour contrôler autant que faire se peut, l’actualité des négociations relatives au marché du carbone à Dubaï. Alors que les rideaux se referment sur la 28ème Conférence des Parties sur le Climat de l’ONU (COP 28) à Dubaï, aux Émirats Arabes Unis, les acteurs de la société civile affichent une mine chagrine. La montagne des promesses lyriques semble vouloir accoucher d’une souris si ce n’est déjà fait. Alors que les rapports sur la vente de terres africaines à des fins de compensation se multiplient, les règles du marché du carbone de la CCNUCC, qui pourraient freiner de telles transactions, sont devenues plus mauvaises du jour au lendemain.

« Dans l’état actuel des choses, les accords de compensation entre pays au titre de l’article 6.2 ne font l’objet d’aucun appel à la transparence, d’aucun contrôle et d’aucune conséquence. L’ordre du jour des négociateurs est chargé aujourd’hui et on nous dit que le texte de l’article 6.2 qui sortira demain matin sera à prendre ou à laisser », confiait un activiste le dimanche 9 décembre à la veille des négociations sur le marché du Carbone. La convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), est l’une des 3 conventions adoptées au Sommet de la Terre de Rio, en 1992, avec la Convention sur la diversité biologique et la Convention sur la lutte contre la désertification. « Une feuille blanche serait aussi efficace que les règles actuelles du marché du carbone de la CCNUCC », ironise Joab Okanda, Senior Climate Adviser chez Christian Aid.

Boîte noire

Photo: Programme UN REDD

Pour lui, « C’est une insulte aux populations de certaines régions d’Afrique qui sont confrontées à la menace très réelle de perdre leurs maisons et l’accès à leurs terres. Si les négociations se terminent ainsi, les colonialistes du carbone viendront frapper à la porte et il sera incroyablement difficile de faire quoi que ce soit. », a déclaré cet observateur tandis que les négociateurs travaillent sur l’article 6. Avocate principale au Center for International Environmental Law (CIEL), Erika Lennon relève pour le décrier que les négociateurs semblent n’avoir tiré aucune leçon même après une année de scandales révélant des échecs et des fraudes généralisés sur le marché du carbone. « Les dernières propositions relatives à l’échange de droits d’émission de carbone en cours de discussion ne prévoient aucun contrôle ni aucune transparence dignes de ce nom. Les accepter serait une victoire pour les cow-boys du carbone et une perte massive pour les populations et la planète », avise-t-elle.

« L’article 6.2 est sur le point de devenir une boîte noire », alerte pour sa part, Gilles Dufrasne, responsable politique des marchés mondiaux du carbone au Carbon Market Watch. « Pour faire la lumière sur les échanges de carbone, nous devons au moins avoir des limites claires aux dispositions de confidentialité, des conséquences réelles pour les pays qui ne respectent pas les règles et des garde-fous contre les pays qui veulent revenir sur les activités qu’ils ont autorisées. Le texte actuel ne contient rien de tout cela », constate ce dernier. Alors que les principaux combats se poursuivent au sein du GST (Global Stocktake, qui est le texte principal et global négocié à Dubaï) sur la question de savoir s’il faut inclure « stopper et inverser la déforestation d’ici à 2030 », la Journée de la nature n’a pas fait grand bruit autour de… la nature. De même, les règles du marché du carbone se resserrent et qu’il n’est pas certain que le financement de la nature soit inclus dans ledit GST, beaucoup se demandent d’où viendra l’argent pour les forêts à l’avenir. En rappel : 30 % des mesures d’atténuation peuvent être prises par la nature ; Le déficit de financement s’élève à 700 milliards de dollars par an ; 0,07 % de l’argent nécessaire pour y parvenir a été promis par les gouvernements lors de la COP28. Mais…

Nadège Christelle BOWA

Un camerounais lauréat du Prix ​​Prince William pour la conservation

Récompense international

Dr Ekwoge Abwe a été couronné au cours de la 11e cérémonie annuelle de remise des prix Tusk Conservation, très courue le lundi 27 novembre 2023 au Savoy de Londres. Ce prix remis par le patron royal de Tusk, SAR le prince de Galles, honore l’ensemble de sa carrière et met en lumière son dévouement unique et sa contribution exceptionnelle à la conservation en Afrique précisément dans la forêt d’Ebo.

Les lauréats de la Tusk Awards Conservation (Fanny Minesi, Dr Ekwoge Abwe, en tenue traditionnelle en Africaine blanche, Jealous Mpofu, Extrême droite) en compagnie du Patron Royal de Tusk, SAR le prince de Galles

Il peut être fier. L’aura de ses travaux de conservation dans la forêt d’Ebo à cheval entre les régions du Littoral et du Centre du Cameroun a dépassé les frontières de son pays pour le propulser sous les feux de la rampe. Dr Ekwoge Abwe, co-hub leader et responsable de programme à la San Diego Zoo Wildlife Alliance et président de la Cameroun Biodiversity Association est le gagnant du prestigieux prix ​​« Prince William pour la conservation en Afrique » dans le cadre des Tusk Conservation Awards. Fondés avec le prince William en 2013, en partenariat avec Ninety One, ces Awards honorent les héros de la conservation africaine et aident à raconter leurs histoires au monde. Depuis plus d’une décennie, les Tusk Conservation Awards servent de tremplin aux plus grands défenseurs de l’environnement d’Afrique. Ces gardiens de la biodiversité se sont depuis hissés au sommet de leur domaine, intensifiant leur travail et amplifiant l’impact de la conservation à travers le continent. Précisément, Dr Ekwoge Abwe a été distinguée pour son dévouement. Et au-delà, c’est l’ensemble de sa carrière qui est ainsi honoré. En effet, de la négociation d’alliances entre tribus en guerre au blocage des projets d’exploitation forestière dans l’une des plus grandes forêts tropicales encore intactes du Cameroun, Ekwoge Abwe a consacré toute sa vie à assurer un avenir meilleur à la population et à la faune de son pays. Notamment les riverains de la forêt d’Ebo qui lui vouent un culte bien mérité.

« Quand nous avons appris pour son prix, nous avons pensé que ce n’est que normal. Depuis que nous sommes ensemble, si nous avions la possibilité de lui donner un prix, nous l’aurions fait. Puisqu’il nous a amené à comprendre qui nous étions. On croyait disposer de la forêt à notre guise sans fin. Il nous a amené à comprendre que tout ça pouvait finir. Un arbre qu’on abat est plus utile sur pied pour nous et notre descendance que par terre », a déclaré sa majesté Marie Micheline Kounde, chef de 3e degré du village Ndogbakand dans le Canton Nyamtan dans l’arrondissement de Yabassi, département du Nkam. « Pour nous, c’est une fierté. C’est depuis 20 ans qu’il nous accompagne. J’étais encore tout petit quand il a commencé. Aujourd’hui je suis un homme accompli. Nous sommes impliqués. Nous souhaitons que l’Etat l’accompagne avec son équipe », se réjouit Jesue Bille Mbock, membre du Club des amis des gorilles et chimpanzés du village Ndogbanguengue. Il a fallu une force de persuasion hors du commun et une patience à rude épreuve à ce fervent défenseur de la nature. « Nous n’avons pas été faciles à convaincre. On ne comprenait pas que cette ONG nous dise de ne pas entrer en forêt. Alors que pour nous la cohabitation entre la nature et l’homme est essentiel. Mais avec le temps, il nous a amené à comprendre pourquoi et comment nous devons protéger la forêt, la faune, la biodiversité. On ne nous empêche pas du tout d’y accéder mais de ne pas la détruire », confesse encore SM Kounde.

Dur labeur

sa majesté Marie Micheline Kounde, chef de 3e degré du village Ndogbakand

De commun accord avec les autres populations riveraines de la forêt d’Ebo, elle ajoute que : « Avant, on pensait qu’on pouvait abattre un arbre, une essence que la nature a pris peut-être 80 ans à élever et en 5 ou 10 mn, on l’abat. Ça nous a pris du temps, mais nous avons fini par comprendre combien c’est important. Aujourd’hui, nous apprécions ce projet. Surtout que celui qui l’apporte ne nous laisse pas orphelin. En même temps qu’il nous demande de ne pas croire que nous ne pouvons vivre que cette forêt, il nous donne des moyens de faire autre chose. Par exemple, l’élevage de poulet ; l’extraction de l’huile de palme et bien d’autres projets en vue ». Fils de paysan du Kupè Manengouba à Ngom Bakou, département du Cameroun situé dans la région du Sud-Ouest, issu du peuple Bakossi et grandi dans la forêt, Dr Ekwoge Abwe est un Biologiste qui travaille dans la conservation de la biodiversité. « Mes travaux jusqu’ici sont concentrés dans la forêt d’Ebo’o où j’ai obtenu mon Master et même le PHD. J’ai travaillé pendant 20 ans sur cette forêt et avec les communautés riveraines comme ceux du village Nyamtan. C’est un endroit qui me tient tellement à cœur », avoue-t-il humblement. Sur les réseaux sociaux, les félicitations affluent dont celles remarquées du Samuel Nguiffo, Directeur du Centre pour l’Environnement et le développement qui reconnaît de ce fait, la présence marquée du Dr Ekwoge sur la question de la forêt d’Ebo. Animée par la présentatrice d’histoire naturelle Liz Bonnie en présence d’une foule de partisans notables de Tusk, notamment Ronnie et Sally Wood, Katherine Jenkins OBE, Lawrence Dallaglio, OBE et Jack Savoretti, la cérémonie qui s’est déroulée au Savoy de Londres a permis de récompenser d’autres acteurs à l’instar de Fanny Minesi, Directrice Générale des Amis des Bonobos du Congo (ABC).

Machine à presser les noix

Lauréate du prix Tusk pour la conservation en Afrique, parrainé par Defender. Ce prix récompense une personne considérée comme un leader émergent en matière de conservation ayant obtenu un succès exceptionnel dans son domaine de prédilection. Défenseure déterminée de la nature et des hommes, Fanny Minesi sauve les bonobos en voie de disparition des braconniers, leur donne refuge et les réensauvages dans les forêts tropicales de la République Démocratique du Congo. Pour sa part, Jealous Mpofu, chef traqueur de Painted Dog Conservation depuis 1997, est lauréat du Tusk Wildlife Ranger Award, parrainé par la Fondation Nick Maughan qui récompense internationalement les hommes et les femmes qui travaillent quotidiennement sur le terrain pour protéger la faune sauvage en Afrique. Au Zimbabwe, Jealous dirige l’équipe dont le travail quotidien consiste à traquer et surveiller cinq meutes de chiens sauvages avec un territoire combiné de plus de 3 000km2. « Chaque année, nous sommes époustouflés par l’engagement, l’excellence et la passion de nos gagnants. Nos leaders de la conservation 2023 ne font pas exception. Vraiment exemplaires, Ekwoge, Fanny et Jealous sont des inspirations pour leurs communautés et la pure définition des défenseurs de la biodiversité. C’est un honneur de les célébrer », a commenté Charlie Mayhew OBE, PDG de Tusk. Les prix ont été remis aux gagnants par le patron royal de Tusk, SAR le prince de Galles. Chacun des trois lauréats recevra désormais une subvention importante pour poursuivre son travail essentiel.

Nadège Christelle BOWA

Incursion dans l’univers du Dr Ekwoge Abwe

2- Forêt d’Ebo

Passionné par les primates, en particulier les grands singes, Dr Ekwoge Abwe a été le premier à observer des chimpanzés utilisant des pierres et du bois pour casser des noix au Cameroun.

« Une nouvelle découverte comportementale pour le chimpanzé Nigeria-Cameroun. Les travaux d’Ekwoge sur les chimpanzés à Ebo ont été révolutionnaires et essentiels pour leur conservation. Ses recherches sur les besoins en habitat, la structure sociale et le comportement des chimpanzés ont été d’une valeur inestimable pour l’élaboration de stratégies de conservation efficaces », affirme –t-on au sein de la communauté scientifique qu’il côtoie. La conservation des éléphants de forêt a également été une priorité pour Ekwoge. Par ailleurs avec son équipe, ils ont été les premiers à utiliser le piégeage par caméra vidéo pour surveiller les insaisissables éléphants de la forêt d’Ebo. L’une de ces réalisations récentes les plus remarquables apprend-t-on également, est d’avoir mené une campagne visant à dissuader le gouvernement camerounais d’exploiter illégalement la forêt d’Ebo. La destruction de la forêt aurait entraîné la perte de communautés entières de chimpanzés, de gorilles, d’éléphants et d’autres animaux sauvages.

« L’espoir d’Ekwoge et sa foi en un avenir meilleur pour tous sont contagieux, comme en témoignent les nombreux jeunes Camerounais qui le considèrent comme leur mentor. La fierté et l’amour qu’il éprouve pour son pays et son peuple transparaissent », affirme de lui, Bethan Morgan, responsable du programme sur les forêts africaines à la San Diego Zoo Wildlife Alliance, et auteur de la candidature d’Ekwoge. « L’impact d’Ekwoge sur la conservation au niveau local, national et international est inégalé. Les juges ont été impressionnés par ses réalisations notables en matière de rétablissement de la paix et d’activisme, par son engagement envers le peuple camerounais et par l’héritage extraordinaire qu’il a créé. Il mérite ce prix pour l’ensemble de sa carrière et nous sommes honorés de célébrer ce véritable défenseur de la biodiversité », témoigne Charlie Mayhew OBE, directeur général de Tusk.

Ebo, une forêt de toutes les convoitises

Drill (Mandrillus leucophaeus), l’une des espèces rares et en danger de la forêt d’Ebo

Remarquable par sa biodiversité, la forêt d’Ebo abrite d’importantes populations de grands singes. Notamment des chimpanzés et des gorilles. On y trouve aussi des colobes roux du Cameroun, L’éléphant de forêt, le perroquet gris, le picartharte du Cameroun, des drills et de nombreuses espèces rares et/ou menacées d’extinction. Un grand nombre de ces espèces figurent dans la liste rouge de l’UICN des espèces menacés et en danger d’extinction. De nouvelles espèces ou sous-espèce peuvent encore y être découvertes. On y trouve également plusieurs espèces de plantes endémiques ou rares. Seulement, cette biodiversité est menacée par la chasse, le braconnage et la déforestation ou d’autres types de conversion des forêts notamment depuis l’implantation d’une société productrice d’huile de palme, sur une superficie de 123 000 hectares, à proximité de la forêt. Des démarches étaient en cours pour l’obtention du statut de parc national, soutenues par le Ebo Forest Research Project (EFRP, créé en 2005).

Le Gouvernement s’était engagé en 2006 à classer cette zone en parc national; projet ensuite perpétuellement repoussé puis abandonné en 2012, selon le MINFOF « à cause de la non adhésion d’une grande partie de la population [dont les banens, « dépossédés » de ces territoires « dans les années soixante, lors des luttes pour l’indépendance du Cameroun sous le gouvernement du président Ahmadou Ahidjo] au projet de création du Parc, en dépit des campagnes massives de sensibilisation menées sur le terrain avec l’appui des partenaires actifs dans la conservation », mais ajoutait le ministre : « Le WWF et WCS y conduisent des activités de recherche sur certaines espèces emblématiques comme les éléphants, le Cross river gorilla et les chimpanzés ».

Contre toute attente, le 4 février 2020, le gouvernement a décidé d’ouvrir le massif aux exploitants forestiers (total de 64 835 hectares ouverts à la coupe, avec « une portion résiduelle de superficie de plus de 10 000 hectares localisée dans le Département du Mbam et Inoubou, reliée aux différentes enclaves par des corridors de migrations des animaux sauvages ». Pour Sylvie Djacbou de Greenpeace Afrique, « La préservation des espèces n’est pas possible avec des tronçonneuses, la forêt Ebo sera protégée seulement si l’exploitation du bois est interdite ». Aussi faut-il, à son avis, rester vigilant malgré l’annulation du décret de février 2020 légalisant la mise en exploitation de plus de 68 000 hectares de cette forêt. C’est dans cet univers que depuis 20 ans se meut le Dr Ekwoge Abwe et son équipe bravant des pistes sinueuses parsemées de nids poules plutôt des trous béants pouvant abriter des éléphants qui vous torturent le corps des jours durant après que vous l’ayez emprunté.

Nadège Christelle BOWA

Avec wikipedia

 Dr Ekwoge Abwe : « Nous avons pris en compte les besoins des populations »

3- interview

Largement reconnu comme l’un des défenseurs de l’environnement les plus efficaces, les plus dynamiques et les plus engagés d’Afrique occidentale et centrale. Ekwoge Abwe est né dans un village inaccessible de l’actuel parc national des monts Bakossi. Il a été élevé dans l’idée que le travail et la générosité pouvaient le mener n’importe où. Pendant plus de vingt ans, Ekwoge a eu un impact important sur la conservation au niveau local, national et international. Entretien avec le lauréat du Prix ​​Prince William pour la conservation 2023.

Dr Ekwoge Abwe, Biologiste

Quelle est la particularité de la forêt d’Ebo’o qui vous passionne tant ?

La forêt d’Ebo’o est tellement unique. D’abord, c’est l’une des plus grandes forêts dans le Golfe de Guinée. Elle s’étend à plus de 2000 km2. On y retrouve beaucoup d’essences et d’espèces importantes pour la biodiversité y compris les grands singes. On a les gorilles et les chimpanzés. On a 11 espèces de primates mais aussi les éléphants de la forêt. Une biodiversité de mammifères, les grenouilles dont les Goliath très connues dans le monde. Les plantes sont aussi tellement diverses et uniques. Depuis 2005 qu’on fait les recherches en collaboration avec d’autres organisations, on a fait la découverte de plus de 30 espèces de plantes endémiques mais menacées dans la forêt d’Ebo’o. Toutes ces choses font que c’est un site unique. C’est un endroit qui n’est pas protégé par la loi. Notre travail est de collaborer étroitement avec l’Etat et la société civile et les populations riveraines pour la conservation de cette ressource et le bien-être des populations.

Quels sont les Obstacles auxquels vous faites face dans le cadre de cette activité ?

La principale menace dans la forêt est la chasse et la vente des viandes de brousse. Si ce n’était que pour la consommation locale, cela ne devrait pas poser problèmes parce que la population n’est pas très dense. Mais, la demande qui vient de la ville est très forte. L’autre menace est la perte de l’habitat à cause de la déforestation soit pour les plantations soit pour l’exploitation du bois (exportation des grumes). Cependant nous travaillons à impliquer tous ces acteurs. Les villages sont tellement reculés, ce qui pose la difficulté de leur accès et la difficulté d’écouler les produits agricoles. Il n’y a pas vraiment des alternatives. Quand on parle par exemple de l’agriculture, les populations te disent, on veut bien pratiquer mais on va vendre où ? Mais au fur et à mesure qu’on travaille avec les communautés et l’Etat, des propositions émergent. On travaille en ce moment avec les communes sur comment améliorer l’état de la route, renfoncer les capacités des populations locales pour diversifier les activités économiques et donc les sources de revenus afin qu’elles ne dépendent plus de cette forêt qui est important pour eux, pour nous, le Cameroun et le monde. On parle aujourd’hui du concept « Santé pour tous » qui englobe la santé pour l’environnement, la faune et l’homme. S’il y a un équilibre entre ces trois entités, on peut vivre dans un monde parfait. Avec le phénomène des changements climatiques causé entre autre par la perte de l’habitat, si on peut vivre en respectant toutes ces composantes forêt-homme-environnement, on va être dans un milieu qui est mieux pour l’homme, les animaux et la planète entière.

On a observé que les femmes mettaient beaucoup de temps pour transformer le manioc. En discutant avec la population, on a apporté du matériel qui facilite ce travail. Ainsi, elles peuvent cultiver plus de manioc qu’elles transforment en mitoumba ou « bobolo » et vendent même ailleurs. C’est une source de revenus important pour les familles.

Comment avez-vous réussi à gagner la population environnante dans ce combat que vous menez en faveur de la biodiversité ?

Il faut de la patience, il faut du temps ! Quand on travaille avec les gens et qu’on leur dit : « Non ce n’est pas bon de dépendre uniquement de la chasse parce que ce n’est pas quelque chose de durable », la plupart du temps, ils ne comprennent pas. Mais au fur et à mesure qu’on insiste, ils finissent par comprendre le sens et la valeur de notre message. C’est comme ça qu’ils peuvent vous suivre. Nous comprenons aussi qu’il n’est facile d’arrêter une activité brusquement. Notre ressource principale est le temps. 20 ans ce n’est pas deux ans. (Rires) Donc avec du temps, on a réussi à convaincre les gens à comprendre l’importance de ce qu’on est en train de faire. Egalement, nous avons pris en compte les besoins des populations. Par exemple, on a observé que les femmes mettaient beaucoup de temps pour transformer le manioc. En discutant avec la population, on a apporté du matériel qui facilite ce travail. Ainsi, elles peuvent cultiver plus de manioc qu’elles transforment en mitoumba ou « bobolo » et vendent même ailleurs. C’est une source de revenus important pour les familles. En anglais on parle « d’empowerment » donc, une certaine autonomie financière.

Un élevage de poulet de chair mis en place pour générer les revenus nouveaux

Malgré les obstacles, vous venez de recevoir un prix. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?Ce prix est très important pas seulement pour moi personnellement mais aussi pour toute la grande équipe qui m’accompagne au quotidien. Et quand je dis grande équipe, il ne s’agit pas seulement de celle qui constitue le San Diego Zoo Wildlife Alliance ou la Cameroun Biodiversity Association, mais aussi toutes les communautés riveraines de la forêt. On travaille en étroite collaboration avec ces dernières. On fait des travaux de recherches biologiques ensemble. C’est aussi ensemble que nous sensibilisons les populations dans les villages. C’est également ensemble que nous recherchons les moyens alternatifs de sources de revenus. Aujourd’hui, on me cible pour un prix, je ne peux pas dire qu’il m’appartient. C’est pour tout ce monde qui travaille sur ce projet.

Réalisée par

Nadège Christelle BOWA  

L’alimentation désormais en bonne place dans l’agenda climatique

COP 28

Cette déclaration de la présidence de la COP sur l’agriculture, les systèmes alimentaires résilients et l’action climatique a été approuvée par 134 dirigeants mondiaux le 1er décembre 2023. Ils se sont engagés à inclure pour la première fois l’alimentation et l’agriculture dans les plans nationaux de lutte contre le changement climatique et à augmenter les financements.

Pendant longtemps, l’alimentation a été une question secondaire lors de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP).  La Déclaration des Émirats Arabes Unis sur l’agriculture durable, les systèmes alimentaires résilients et l’action climatique COP28 indique clairement que l’alimentation figure désormais en bonne place dans l’agenda climatique, ce qui est essentiel car elle représente un tiers des émissions mondiales et est très vulnérable aux effets du climat. « Nous soulignons que toute voie permettant d’atteindre pleinement les objectifs à long terme de l’Accord de Paris doit inclure l’agriculture et les systèmes alimentaires. Nous affirmons que l’agriculture et les systèmes alimentaires doivent s’adapter et se transformer de toute urgence afin de répondre aux impératifs du changement climatique », ont-ils soutenu dans la Déclaration. Cependant, la rhétorique devra être transformée en réalité avec des actions, des objectifs, des calendriers et des financements clairs pour les systèmes alimentaires dans les nouveaux plans climatiques nationaux avant la COP30. Pour Wanjira Maithai, directeur général pour l’Afrique et les partenariats mondiaux au World Resources Institute, la déclaration des Émirats représente un changement de mentalité majeur. « Le système alimentaire mondial, qui représente un tiers des émissions et qui est très vulnérable aux effets du climat, est désormais inscrit à l’ordre du jour et le compte à rebours a commencé».

A son avis, «Les gouvernements doivent immédiatement inclure l’alimentation et l’agriculture dans leurs plans nationaux de lutte contre le changement climatique, ce qui implique des actions concrètes, des objectifs, des calendriers et des financements pour éliminer les combustibles fossiles de notre système alimentaire, promouvoir une agriculture plus diversifiée et plus respectueuse de la nature, soutenir les petits producteurs et réduire les émissions de méthane », a-t-elle déclaré. De son côté, Elizabeth Nsimadala, présidente de la Fédération des agriculteurs d’Afrique de l’Est, qui représente 25 millions de petits producteurs, pense qu’il s’agit là d’un coup d’envoi de la transformation de notre système alimentaire. « Elle –la déclaration- reconnaît que les 439 millions de petits exploitants familiaux du monde entier sont essentiels pour réaliser les changements nécessaires », commente-t-elle. Toutefois, « Pour que nous puissions jouer notre rôle, nous devons avoir notre mot à dire dans les décisions relatives à l’alimentation et au climat et bénéficier d’un accès plus direct au financement climatique : nous produisons un tiers des denrées alimentaires dans le monde, mais ne recevons que 0,3 % du financement international en faveur du climat.  Si les gouvernements travaillent avec nous – et investissent en nous – nous pouvons contribuer à créer les systèmes alimentaires résilients et durables nécessaires pour nourrir le monde pour les générations à venir ».

Aller au-delà des beaux discours

Elizabeth prononcera un discours sur la déclaration des systèmes alimentaires lors de l’ouverture officielle du sommet des dirigeants mondiaux. L’analyse des réseaux représentant plus de 35 millions d’agriculteurs familiaux révèle que les petits producteurs ne reçoivent que 0,3 % du financement public international pour le climat. Ancien rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation et membre du comité directeur du groupe d’experts de haut niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition, Hilal Elver, observe que : « Il est grand temps que la conférence des parties les mette au menu principal. L’alimentation et l’agriculture doivent être au cœur des nouveaux plans climatiques et des financements si nous voulons respecter l’accord de Paris et avoir suffisamment d’aliments nutritifs pour tout le monde ». En effet, argumente Hilal Elver, « la destruction de la nature et le changement climatique menacent la sécurité alimentaire, les moyens de subsistance des populations rurales et la nutrition, mais nos systèmes alimentaires sont également à l’origine d’un tiers des émissions mondiales et constituent l’un des principaux facteurs de disparition de la faune et de la flore sauvages ».

S’il est vrai que cette Déclaration est une étape importante sur la voie d’un système alimentaire plus résilient et plus durable, Esther Penunia, secrétaire générale de l’Association des agriculteurs asiatiques pour le développement durable, une alliance régionale d’organisations nationales d’agriculteurs représentant 13 millions d’agriculteurs familiaux, estime que « le véritable travail commence maintenant. Les gouvernements doivent travailler avec les réseaux d’agriculteurs familiaux pour s’assurer que les promesses faites à Dubaï se traduisent par des politiques et des financements concrets afin de soutenir les petits producteurs – qui produisent un tiers de la nourriture mondiale – et de promouvoir une agriculture plus diversifiée et plus respectueuse de la nature, ce qui, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, est nécessaire pour préserver la sécurité alimentaire ».

Nadège Christelle BOWA